Lettres
Lucky Lem,
Je vous écris cette lettre depuis l'Atlantique Nord, à bord de mon sloop et les Angliches du roi sont sur mes talons. Je sais que l'Adventure Prize se porte bien car il n'existe pas de meilleures mains que les vôtres pour en prendre bon soin. Vous vous êtes toujours montré parmi les plus loyaux et les plus fidèles de mes hommes et c'est pourquoi je vous fais parvenir ce parchemin. Il est d'une importance vitale que vous ne l'ouvriez pas, car cela pourrait mettre votre vie en péril. Portez-le sur vous en toute circonstance. N'en parlez ni ne le donnez à personne, quel que soit le prix offert et quel qu'en soit le coût pour le protéger. Je vous en offrirai le double à notre prochaine rencontre. Je ne sais quand je serai débarrassé de ces brigands, mais ils ne me prendront pas. Des gens tenteront peut-être de se procurer ce document. Ne faites confiance à personne.
Capitaine William Kidd
À Abel Owens.
Cela fait un bail que nous n'avons pas entrechoqué nos coupes et malheureusement, il en sera encore ainsi pour quelque temps car je me cache au large des côtes du Massachusetts sur une île sans nom. Les hommes du roi sont sur mes talons et mon habitation n'offre pas le confort qui me convient. Dans ce paquet, vous trouverez un parchemin de la plus haute importance pour moi. Il représente plus que tous les coffres d'or et de bijoux que j'ai éparpillés aux quatre coins du monde. Son existence doit absolument rester secrète et je dois donc vous demander de ne pas le décacheter ni le lire. Gardez-le sur vous à tout instant et protégez-le et ce qu'il contient à tout prix, jusqu'à ce que je vous retrouve. J'ai plus de difficultés que prévu à me débarrasser de ceux qui me traquent, mais vous savez comme moi que ce n'est qu'une question de temps avant que je leur fausse compagnie pour de bon.
Soyez sage et prudent,
Capitaine William Kidd
Joseph,
Cela fait des mois que nos routes se sont séparées et je dois dire que les choses n'ont pas été des plus faciles pour moi. Hier, j'ai occis neuf marins britanniques (ou était-ce avant-hier ? Peu importe) et leurs officiers en envoyaient toujours plus. Cependant, en fouillant leurs cadavres, je ne trouvais nulle trace d'ordres militaires ni royaux, mais seulement un peu d'argent et les croix rouges et or qu'ils portaient autour du cou. Serait-ce possible qu'ils ne soient pas des marins britanniques ? Mais cela ne vous concerne en rien et ce n'est pas le but de ce courrier. Le parchemin qui l'accompagne est mon bien le plus cher. Vous ne pouvez le déchiffrer. Gardez-le précieusement jusqu'à mon retour et tuez quiconque vous interrogera à son sujet.
Capitaine William Kidd
À Hendrick van der Heul,
Hendrick, vous êtes mon meilleur conseiller et mon ami le plus proche ; je prie pour que cette missive vous trouve en bonne santé. Vous savez ce que je possède et le pouvoir que cela renferme. Ils sont après. Je ne sais pas exactement qui ils sont, mais je suis maintenant certain que nulle couronne n'a ordonné ma traque. Ils représentent quelque chose d'autre, une organisation secrète, implacable, aux ressources illimitées. Quelque chose qui m'effraie au plus haut point. Je me terre dans une ferme près de Boston, prêt à jouer ma dernière carte pour tenter de leur échapper. Il ne faut pas qu'ils s'en saisissent. Je vous ai envoyé la dernière partie de mon précieux parchemin, qui indique l'endroit où je l'ai caché. Gardez-la précieusement. Ils sont sur moi. Si j'en sors victorieux, je vous retrouverai. Sinon, emportez ce document dans la tombe.
Capitaine William Kidd
Almanachs
Almanach du Bonhomme Richard - 1733

Je pourrais ici tenter de m'attirer vos faveurs en déclarant que je ne rédige des almanachs sans autre désir que celui de l'intérêt public, mais ne cela je serais malhonnête. Les hommes d'aujourd'hui sont bien trop sages pour être trompés par de spécieux faux-semblants. La vérité, c'est que je suis excessivement pauvre et que ma femme, une femme de bien, est excessivement fière. Elle dit ne pouvoir supporter de rester assise à filer dans sa robe de lin, tandis que je ne fais rien d'autre que de contempler les étoiles. Elle m'a plusieurs fois menacé de brûler mes livres et es pièges à cliquetis (c'est ainsi qu'elle nomme mes instruments) si je ne les utilisais pas pour le plus grand bien de ma famille. L'imprimeur m'a offert une part non-négligeable de ses profits et j'ai donc pu satisfaire les désirs de ma dame.
Ces motivations auraient été suffisamment fortes pour me faire publier un almanach depuis des années, si je n'avais été pris par l'estime de mon ami et condisciple M. Titan Leeds, dont je voulais épargner l'intérêt. Mais cet obstacle (et j'en parle avec un grand déplaisir) ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir, car la grande Faucheuse, qui n'a jamais respecté le mérite, a déjà préparé sa besogne. Cette sinistre dame a déjà lancé ses forces destructrices contre cet homme si ingénieux, qui nous sera bientôt enlevé. Il mourra - d'après mes calculs, réalisés à sa demande - le 17 octobre 1733 à 15h29, à l'instant même de la conjonction de Mercure et du soleil. D'après ses propres calculs, il devrait survivre jusqu'au 26 du même mois. Cette petite différence de quelques jours a provoqué des disputes régulières entre nous chaque fois que nous nous sommes rencontrés ces 9 dernières années, mais il semble néanmoins se ranger à mon avis. Qui de nous deux a raison, nous le saurons bientôt. Alors que nos provinces n'auront plus la joie d'admirer ses performances après l'année en cours, je me sens donc en devoir de poursuivre la tâche, tout en demandant des encouragements publics, ce qui serait possible si l'acheteur de cet almanach considérait que son achat serait non seulement un acte utile, mais également charitable envers son pauvre ami et serviteur R. SAUNDERS
XI Janvier compte xxxi jours
PLUS GENTILS QUE SAGE
Ce vieux garçon voulait une femme avisée,
Belle, riche et jeune, une dame pour son lit,
Ni fière ni grossière, et d'une taille adaptée
Une femme des campagnes pour habiter la ville
Mais les pointilleux et peuvent toujours attendre
Il devrait faire sa demande, rien n'est joué d'avance.
Ne gaspille jamais ni le vin du curé, ni le pain du boulanger.
Les visites devraient être courtes comme un jour d'hiver.
De peur d'être trop ennuyeux, hâte-toi de partir.
Une maison sans femme ni feu est comme un corps sans âme ni esprit.
Rois et ours blessent souvent leurs gardiens.
XII Février compte xxvii jours.
N.N du comté de B---s, soyez indulgent avec le bonhomme Richard.
À chaque époque ses manières ;
Les choses âgées par la jeunesse sont rejetées
Nous dénigrons ce qui plaisait à nos pères
Et ce qui nous enchantait est maintenant décrié
C'est pourquoi, tel que je le conçois,
Le fils prodigue de son père vendit le toit.
Bourse légère et cœur lourd.
Il est insensé celui qui fait de son médecin son héritier.
Ne prends pas d'épouse tant que tu n'as pas une maison (bien chauffée) où la loger.
Il est parti et n'a rien oublié, sauf de dire "Au revoir" à ses créanciers.
Qui aime bien châtie bien.
I Mars compte xxxi jours.
Mon amour et moi parlons des baisers,
Elle gardait les mises, j'en étais ravi
Mais quand je gagnais, c'est elle qui empochait
Je lui demandais pourquoi était-ce ainsi
Et elle me dit : puisque vous marchandez
Reprenez vos baisers, et les miens rendez.
J'espère que mon respectable ami J.G. acceptera mes humbles vers :
Ingénieux, instruit, envié jeune ami,
Continue comme tu as commencé,
Même tes ennemis auront fierté
Que tu sois natif de ce pays.
II Avril compte xxx jours.
Katharine à son mari envoie ces mots doux
Ô mon bon Will, comme je t'aime tendrement !
Si c'est vrai (dit Will) le monde doit le savoir
Et si c'est vrai pour elle j'ose me porter garant,
Car jamais Will n'a connu de femme mauvaise ni bonne
Et qu'elle a toujours aimé Will, son bel homme.
Méfie-toi d'une viande deux fois bouillie et d'un vieil ennemi qui se réconcilie.
Grands parleurs, petits faiseurs.
Une riche crapule est comme un gros porc qui ne fait jamais le bien tant qu'il n'est pas raide mort.
La relation sans l'amitié, l'amitié sans le pouvoir, le pouvoir sans la volonté, la volonté sans l'action, l'action sans le profit, le profit sans la vertu, ne valent pas un sou.
III Mai compte xxxi jours
Le rire plaît à certains et d'autres offense,
Certains suent la vanité, d'autres le bon sens
Certains aiment les bons mots, d'autres les méprisent
Mais tous ne savent pas que, quoi qu'on en dise,
Celui qui plairait à tous, et sans se déplaire,
A plus en main que ce qu'il pourrait en faire.
Mangez pour vivre, ne vivez pas pour manger.
Mars venteux, avril pluvieux font mai très plaisant.
La faveur d'un grand n'est pas un héritage.
Le fou fait des festins, le sage les mange.
Méfie-toi d'un jeune médecin et d'un vieux coiffeur.
Il a changé son cheval borgne pour un cheval aveugle.
Le pauvre a peu, le mendiant n'a rien, le riche a trop et nul n'a assez.
IV Juin compte xxx jours
Observez le soleil dans son cercle quotidien
Et la courte année de la lune et ses rotations
Vous pourrez alors voir le lendemain,
Et les étoiles vos espoirs trahiront
Quand la nouvelle lune vient puis s'évanouit
Son croissant d'argent, bordé de nuages gris,
Augure d'une tempête en formation
Qui de ses trombes noiera les moissons.
Après trois jours les hommes se lassent d'une jeune fille, d'un invité et de la pluie.
Pour allonger votre vie, diminuez vos repas.
L'épreuve de l'or, c'est le feu, l'épreuve de la femme, c'est l'or, l'épreuve de l'homme, c'est la femme.
La fête finie, l'hôte reste.

Alors que le faucheur travaille encore,
Formant des gerbes avec les brins d'or,
Souvent ai-je vu un orage se lever
Des vents rageurs les cieux balayer,
Et, crachés par de spongieux nuages,
Des trombes d'eau occulter le paysage
Le noble ciel se déverse sur terre,
Et la belle récolte, par malheur, se perd.
Bien des fortunes se sont perdues depuis que les femmes préfèrent le thé au rouet et aux aiguilles.
Celui qui se couche avec les chiens se lève avec les puces.
À cuisine grasse, volonté maigre.
Méfiance et précaution sont mère de sécurité.
Langue double amène grand trouble.
VI Août compte xxxi jours.
Par douze signes ardents Apollon nous guide
L'année et le monde en climats se divisent
Cinq régions forment notre monde bien-aimé,
La zone torride par le soleil est brûlée
Du nord au sud, aux extrémités des cieux,
De gel et de froid, le climat est rigoureux,
Entre les uns et les autres, les dieux ont fait
Deux endroits viables pour l'humanité.
Prends conseil dans le vin, mais décide-toi ensuite avec de l'eau.
Celui qui boit vite paye lentement.
Grand famine quand les loups mangent des loups.
Une brave femme perdue est un don de Dieu gâché.
Un cheval dressé, et une femme pour enseigner, et des enseignants mettant en pratique leur enseignement.
Il est mal habillé, celui qui est vide de vertu.
VII Septembre compte xxx jours.
La Mort est un pêcheur, le monde son étang.
Et nous, les poissons qui nagent dedans
Son filet est une maladie, mais le Faucheur
N'est pas bienveillant comme les autres pêcheurs
Car lorsqu'ils prennent du menu fretin,
Ils le rejettent à l'eau, le laissant à son destin.
Mais la Mort tue tout ce qu'elle peut pêcher,
Et tous les poissons terminent dans ses filets.
Le cœur du fou est dans sa bouche, mais la bouche du sage est dans son cœur.
Les hommes et les melons sont difficiles à choisir.
Il est bon médecin celui qui sait l'inefficacité de la plupart des remèdes.
Un pur génie dans son pays est une mine d'or.
Il n'y a pas de petit ennemi.
VIII Octobre compte xxxi jours.
Le Temps était mon épouse, et on débattait
À propos d'une soi-disant supériorité
Le texte qui proclamait qu'homme et femme étaient unité
Était notre point de désaccord premier
Elle clamait que les deux ne devaient faire qu'une femme
Et moi j'affirmais que les deux devaient être homme
Et le débat vivait chaque jour et sans jamais prendre fin
Jusqu'à ce qu'au final, les deux ne fassent plus qu'un.
Il a perdu ses bottes mais gardé ses éperons.
Le vieil homme a tout donné à son fils : Pauvre fou ! Tu te déshabilles avant d'aller au lit !
Le fromage et les salaisons doivent être mangés en petites portions.
Les portes et les murs sont de papier.
Bénis une canaille et elle te poignardera, se poignardera et te bénira.
Garde ta bouche humide et ton pied sec.
IX Novembre compte xxx jours.
Mon voisin H--y, par sa langue aimable
voulait séduire une fille, riche, jeune et désirable,
La partie, se réjouissait-il, est à moitié jouée.
Lui la désirait, mais pour elle, point de réciprocité
Et pour cause, car son histoire fait penser
À l'histoire du fils prodigue en vérité
Il jure n'avoir jamais dîné avec les cochons
Vrai, personne ne lui en a laissé l'option.
Où le pain manque, tout est à vendre.
Il n'y a ni honneur ni gain à s'entendre avec une canaille.
Le fou a fait le vœu, je suppose, de ne laisser jamais le feu s'éteindre.
Hiver neigeux, récolte abondante.
Rien ne ressemble plus à un fou qu'un homme ivre.
X Décembre compte xxxi jours.
Dieu travaille à observer çà et là. Regardez ! Un homme de loi, un honnête homme !
Celui qui vit pour la chair perd l'éternité.
Innocence est sa propre Défense.
En ce temps tu dévores toutes choses, pouvaient dire les vieux poètes. Les temps ont changé, en notre temps, tu bois tout ton saoul.
Ne demande pas, il sera sobre après les congés.
Almanach du Bonhomme Richard - 1736

L'accueil généreux que vous avez réservé à mes travaux précédents m'a encouragé à continuer d'écrire, même si l'approbation générale dont vous avez été assez gracieux pour m'honorer aura attisé à mon encontre l'envie de certains et l'ire d'autres. Ces oiseaux de mauvais augure, dépités devant la réputation que j'ai acquise en prédisant exactement la mort d'un homme, se sont efforcés de me priver de tout en une seule fois, de la manière la plus efficace qui soit : en faisant courir le bruit que je n'avais moi-même jamais été vivant. Ils disent, en bref, qu'il n'existe pas d'homme tel que moi, et ils ont propagé cette notion si efficacement à travers le pays que cela m'a même été confirmé de vive voix par ceux qui ne me connaissaient pas. Ce n'est pas un traitement civil, d'essayer de me priver de mon être et de me réduire à une non-entité vis-à-vis du public. Mais tant que je me sais moi-même homme à me promener, manger, boire et dormir, je suis satisfait qu'il existe vraiment un homme comme moi, quoi qu'on en dise. Et le monde peut être également satisfait, car s'il n'y avait homme tel que je suis, comment pourrais-je apparaître publiquement à des centaines de personnes, comme c'est le cas depuis plusieurs années, en version imprimée ? Je n'aurai d'ordinaire pas réagi à ces calembredaines, si ce n'était pour le bien de mon imprimeur, à qui mes ennemis sont heureux d'attribuer mes productions, alors qu'il est aussi désireux de n'en point avoir le crédit que j'en suis de le perdre. Par conséquent, pour le disculper entièrement, ainsi que pour faire valoir mon propre honneur, je fais cette déclaration sérieuse et publique, afin de clamer la vérité à tous : que ce que j'ai écrit jusqu'ici, et que j'écris maintenant, ne fut ni n'est rédigé par un ou plusieurs hommes, ni même une ou plusieurs personnes.
Que ceux qui ne sont pas satisfaits par ceci considèrent leurs affirmations comme déraisonnables.
Ma prestation pour l'année est la suivante : elle se soumet, cher lecteur, à votre censure, mais espère que votre candeur lui pardonnera ses défauts. Elle se consacre entièrement à votre service, et vous servira fidèlement. Et si elle a la bonne fortune de plaire à chacun de ses maîtres, ce sera une gratification suffisante pour le travail du pauvre.
R. SAUNDERS
XI Janvier compte xxxi jours
Certains connaissent beaucoup d'astuces sournoises,
Au lieu de la vérité, ils manient la tromperie,
Et jonglent habilement avec les non-dits.
Ce qui pour certains est une chose matoise.
Notre forgeron dernièrement nous jurait,
Que tant qu'il respirerait, plus jamais ne boirait
Mais depuis j'ai compris, il me semble,
Qu'en fait, il ne ferait pas les deux ensemble.
N'est pas un clown celui qui pousse la charrue, mais celui qui fait des clowneries.
Celui qui dépense moins que ce qu'il gagne possède la pierre philosophale.
Celui qui paie comptant contrôle la bourse d'un autre.
Le poisson et les visiteurs sentent mauvais au bout de trois jours.
XII Février compte xxix jours
La femme de Sam, qui l'a défié, a eu le crâne blessé.
Et la facture du chirurgien à cinq livres s'est montée.
Ce coup (se vante-t-elle) a tellement coûté à mon aimé,
Que jamais plus il ne frappera, a-t-il affirmé.
Ainsi, avant que Sam ne règne la facture,
À l'oreille du médecin il se penche et murmure :
Docteur, vous facturez 5 livres, prenez-en dix,
Ma femme pourrait bien vous rappeler pour vos services.
Celui qui n'a ni fous ni mendiants parmi ses proches, est le fils du tonnerre.
La diligence est mère de chance.
Ne faites pas ce que vous n'auriez pas voulu savoir.
Mars compte XXXI jours.
Quoiqu'on désire, connaissance, gloire, ou argent,
Personne n'échangerait son voisin avec soi-même ;
Les savants sont heureux de découvrir la nature
Les fous heureux de n'en savoir pas plus.
Les riches heureux dans l'abondance
Et les pauvres s'en remettent à la chance.
Chacun a droit à un peu de confort,
Et à trouver, en la fierté de soi, un ami en or.
Ne faites jamais l'éloge de votre cidre, de votre cheval, ou de votre partenaire de nuit.
La richesse n'est pas à celui qui la possède, mais à celui qui en jouit.
Il est aisé de voir, difficile de prévoir.
Dans la bouche d'un homme discret, la chose publique reste privée.
Avril compte XXX jours
En rien l'homme ne se distingue de la bête,
Que par le savoir présent dans sa tête,
Puis la jeunesse apprend avec le temps
Que ce que l'on sait s'avère utile finalement.
Chaque jour passait et Solon vieillissait toujours
Car le temps vaut plus que l'or et les atours
La chance peut lui donner de l'or à extraire,
Mais la fortune ne peut pas lui rendre hier.
Que la servante soit fidèle, solide, et simple.
Éloigne le lin du feu et les jeunes des jeux.
Négociation n'a ni amis ni relations.
L'admiration est fille d'ignorance.
Il y a plus de vieux ivrognes que de vieux médecins.
Mai compte XXXI jours.
Lalus qui aime tant s'écouter discourir,
Ne cesse de parler, comme avec frénésie,
Et bien qu'il n'entende personne de pire,
Il n'entendra en fait nul autre que lui.
Fermez la bouche, s'il devient gênant,
Et bouchez ses oreilles, il deviendra muet.
Le fanfaron tue un lion absent et craint une souris présente.
Celui qui prend une femme prend soin d'elle.
Pas de coup d'œil à une lettre, de main dans le sac, ou d'oreille au secret d'un autre.
Celui qui achète au centime ne s'entretient pas que lui, mais aussi les autres.
Juin compte XXX jours
Les choses amères, plus amères que la bière,
Sont physiques, les médecins le clament
Et si l'ont réduisait en poudre la langue des dames,
On pourrait la prendre en potion, dans un grand verre.
Et comme rien n'est aussi amer, je m'amuse,
Que ces langues en médecine on ne les infuse
Car moi-même et d'autres infatigables âmes,
Ferions don de ce muscle pris à nos femmes.
Un bon aujourd'hui vaut mieux que deux demain.
Depuis que j'ai un troupeau et une vache, chacun me donne le bonjour.
Aide-toi le Ciel t'aidera.
Pourquoi la femme de l'aveugle se maquille-t-elle ?

À Ebrio qui peut sa soif de richesse reprocher ?
Voyez-le gâcher son temps, son argent, sa santé
En beuveries qui atterrent ses frères alentour
Il en néglige sa ferme, en oublie le labour ;
Fondent ses réserves, menace la disette ;
Seuls ne cessent de croître son ventre et ses dettes ;
En ville il chancelle et chaque mur embrasse,
Il tombera, c'est sûr, si l'un d'eux se casse.
Il n'est de meilleur prêcheur que la fourmi, et elle est muette.
Les absents ne sont jamais sans défaut, ni les présents sans excuse.
Les cadeaux brisent les pierres.
Si sur toi le vent souffle et te met mal-en-point, rassemble ton courage et de âme prends soin.
La pomme pourrie gâte sa voisine.
VI Mois. Août compte xxxi jours
La langue était jadis la servante du cœur,
Et de toutes ses bontés se faisait orateur ;
Mais l'hypocrisie règne maintenant avec tant de ferveur,
Que le cœur de la langue est devenu serviteur.
La vertu nous louons, mais sans la pratique,
Nous en respectons l'image, pas les lois,
Comme tous ces hommes qui parlent de Robin des Bois
Sans flèche de son arc avoir jamais tiré.
Si tes fenêtres sont en verre, ne jette pas de pierres à tes voisins.
L'excellence des verrats réside dans la graisse, celle des hommes dans la vertu.
Les bonnes épouses et les bonnes plantations sont celles des bons maris.
Qui abuse de la confiance perd de nombreux amis et reste impécunieux.
Que la variole t'emporte n'est pas une malédiction pour certains.
VII Mois. Septembre compte xxx jours
Briskzap, toi qui manques cruellement d'esprit,
Au-delà de te vêtir, boire et aller au lit,
Tu devrais le droit chemin suivre avec assurance
Car la logique veut qu'il ait la préséance.
Rencontrant l'autre jour un homme d'ici bas,
Je lui demande qui il est, il dit qu'il ne sait pas,
Je dis : "Je te connais" ; Il me répond : "Moi aussi, je t'ai déjà vu".
Mais d'homme se connaissant lui-même, je n'ai jamais connu.
Amoureux, voyageurs et poètes sont prêts à payer pour être entendus.
Celui qui parle beaucoup se trompe tout autant.
Les créanciers ont une meilleure mémoire que les débiteurs.
Un homme averti en vaut deux, sauf s'il a moins de cervelle qu'un freux.
VIII Mois. Octobre compte xxxi jours
Will le fantasque se crut un jour souffrant,
Le médecin appela, qui dit, l'examinant,
Comment est l'appétit ? Oh, de ce côté-là,
Je mange de bon cœur, voyez comme je suis gras.
Comment va le sommeil ? Oh, je dors bien, ma foi,
Je mange, bois et dors aussi bien qu'on le doit.
Eh bien, dit le docteur, si tel est le cas,
Ce que je vais prescrire vous en guérira.
Les trois choses pour lesquelles on risque le plus de se faire berner sont le cheval, la perruque et l'épousée.
Celui qui vit bien a reçu assez d'instruction.
La pauvreté, la poésie et les nouveaux titres honorifiques sont trois sources de ridicule.
Qui sème des épines doit éviter de marcher pieds nus.
Seul celui qui fait confiance risque d'être déçu.
XI Mois. Novembre compte xxx jours
Quand on est malade, ce dont on a envie en premier, c'est d'être soigné.
Ce que prône l'expérience vient en deuxième place.
Ce que promeut la raison (c'est-à-dire la théorie) doit venir en dernier.
Mais c'est en amenant les docteurs Inclination, Expérience et Raison à consulter ensemble qu'on recueillera le meilleur conseil.
Dieu soigne et le médecin encaisse les honoraires.
Si tes désirs sont grands, même l'abondance ne te suffira pas.
La bouche de Mary ne lui coûte rien, car elle ne l'ouvre qu'aux dépens des autres.
Reçois avant d'écrire, mais écris avant de payer.
J'ai vu peu d'hommes mourir de faim, mais cent mille d'avoir mangé.
X Mois. Décembre compte xxxi jours.
Le soleil est plus proche de la Terre en hiver qu'en été, 15 046 milles (on doit le froid hivernal à ses faibles hauteur et durée). La Lune est plus proche à son périgée qu'à son apogée, 69 512 : Saturne plus proche de 49 868 milles : Jupiter plus proche de 38 613 milles : Mars plus proche de 80 608 milles : Vénus plus proche de 6 209 milles : Mercure plus proche de 181 427 milles. Et pourtant Mercure n'est jamais distant du soleil d'un signe entier, ni Vénus de plus de deux. On ne voit jamais de sextile soleil-Mercure ni de quartile soleil-Vénus.
Jeunes filles d'Amérique, qu'est-ce qui vous gâte les dents ?
Réponse : les soupes brûlantes et les pommes glacées.
Marie ta fille et mange du poisson frais.
Si un homme est béni de Dieu, sa chienne mettra bas des porcelets.
Celui qui cherche à vivre en paix et dans l'aisance,
Ne dit pas tout ce qu'il sait ni ne juge tout ce qu'il voit. Adieu.
Dans mon almanach de l'an dernier, j'ai indiqué que les éclipses visibles de l'an 1736 annonceraient des événements importants et surprenants pour les colonies du Nord, et me suis proposé d'en parler plus largement cette année. Mais comme ces événements ne doivent pas intervenir immédiatement cette année, j'ai choisi, après réflexion, de ne les commenter qu'après parution de l'almanach correspondant à l'année suivant leur survenue. Cependant, pour que le lecteur ne soit pas totalement déçu, voici, pour son amusement, quelques
PROPHÉTIES ÉNIGMATIQUES
Que ceux qui ne comprennent pas peuvent bien mal expliquer.
1. Avant le milieu de cette année, un vent de nord-est se lèvera et élèvera le niveau des mers et des rivières au point d'inonder une large part des villes de Boston, Newport, Philadelphie, des basses-terres du Maryland et de Virginie et la ville de Charleston en Caroline du Sud. Il faut espérer pour le sucre et le sel contenus dans les greniers de ces endroits qu'ils seront protégés par de bonnes toitures et plafonds. Dans le cas contraire, point n'est besoin d'être sorcier pour prédire que ces denrées seront endommagées.
2. Vers le milieu de l'année, un grand nombre de navires pleinement chargés seront emmenés hors des ports susmentionnés par une puissance avec laquelle nous ne sommes pas en guerre et dont les forces ne pourront être ni vues ni décrites à leur arrivée comme à leur départ. Mais au bout du compte, cela ne desservira pas ces endroits.
3. Cependant, peu après, une armée visible de vingt mille mousquets prendra pied, certains en Virginie et dans le Maryland et d'autres dans les bas comtés bordant de part et d'autre la Delaware, avant de déferler sur la contrée et d'en navrer les habitants. Mais l'air de ce climat leur conviendra si mal à l'approche de l'hiver qu'ils mourront au début des frimas comme autant de brebis gâtées et, à la Noël, les habitants en triompheront.
Remarque. – Ces prophéties énigmatiques seront expliquées dans mon prochain almanach. R.S.
Almanach du Bonhomme Richard - 1737

Cher et sympathique lecteur,
Ceci est la cinquième fois que j'apparais en public, à décortiquer l'année à venir pour mes honnêtes compatriotes, prédisant ce qui devrait, ou ce qui pourrait ou pas survenir. En ceci j'ai le plaisir de constater avoir apporté une satisfaction générale. En effet, parmi la multitude de nos prédictions astrologiques, il n'est pas étonnant que quelques-unes échouent. Car l'art est imparfait, et il est bien connu qu'une toute petite erreur, un simple chiffre erroné dans un calcul, peuvent engendrer de grandes erreurs. Néanmoins, nous autres rédacteurs d'almanachs sommes susceptibles de commettre quelques erreurs, mais il est généralement admis que nous visions le jour du mois, ce qui est, je pense, l'une des fonctionnalités principales de l'almanach.
Pour ce qui est du temps, si je devais appliquer les méthodes que mon frère J ---- n utilise parfois - neige ici ou en Nouvelle-Angleterre, pluie ici ou en Caroline du Sud, fraîcheur au nord, chaleur au sud - je pourrais me sentir plus assuré de ne point commettre d'erreurs, mais je considère cependant que cela ne servirait à personne de connaître le temps qu'il fait à 1 000 miles d'ici. Aussi je m'assure toujours du temps qu'auront mes lecteurs, où qu'ils soient à un moment donné.
Nous n'effectuons modestement une prévision que pour un jour ou deux avant et deux après le jour précis pour lequel le temps est prédit. Et si la prédiction ne se déroule pas comme indiqué, que la faute en soit rejetée sur l'imprimeur qui, et c'est plus que probable, l'aura mal retranscrite voir trafiquée, sûrement dans le but d'y intégrer des congés. Aussi, malgré tout ce que je peux en dire, les gens accorderont à cet imprimeur beaucoup du crédit de la rédaction de mes almanachs, aussi est-ce juste qu'il en partage aussi une part du blâme.
Je ne dois pas ici oublier de remercier le public pour les précieux et gentils encouragements qu'il m'a prodigué à cet effet. Mais si le généreux acheteur de mes travaux pouvait voir comment son investissement aide à allumer le feu confortable, garnir l'assiette et remplir le verre et apaiser le cœur d'un pauvre homme et d'une honnête vieille dame, il ne penserait pas que son argent soit dilapidé, mais verrait plutôt l'almanach comme un ami et un serviteur.
R. SAUNDERS
L'HERBE DE SERPENT À SONNETTES
Les Indiens ont longtemps gardé au secret l'herbe qui guérissait des morsures de ce reptile venimeux appelé serpent à sonnette. J'espère que ce sera un service acceptable pour nos régions, si je rends public la description suivante, avec le dessin d'une feuille.
Le haut et les branches de la plante sont épais et produisent de petites fleurs jaunes en août et septembre. C'est une espèce de gerbe d'or, identifiable à la douceur de la feuille, à son goût âcre, qui entraîne, lorsque mâchée et avalée, des arrêts de la respiration, et une contraction de la gorge. Le buisson qui ne dépasse pas 1 mètre de haut dans certains lieux, et est parfois plus grand ailleurs, est d'un pourpre banal et doux, et couvert d'une fine poussière bleue, comme celles de nombreuses prunes anglaises. La plante pousse dans la plupart des forêts, à l'ombre des arbres, rarement en grande quantité, jamais plus d'un, deux ou trois buissons. On en trouve aussi parfois dans les fossés asséchés, parfois à l'intérieur, ou aux abords. Mais les plus luxuriantes sont celles que l'on trouve sur les bas-côtés des chemins, si la terre est riche, pas trop humide ni trop à l'ombre. La racine résiste à l'hiver et si elle est plantée dans un bon jardin, devrait produire (la deuxième ou troisième année) au moins 50 buissons.
Les Indiens l'utilisent de diverses façons : parfois ils l'écrasent entre deux cailloux, parfois ils la mâchent et la recrachent dans la bouche de leurs patients. D'autres l'appliquent à même les plaies, certains autour, et parfois ils la font infuser et font boire la décoction ou lavent la plaie avec. Mais il faudra toujours en avaler un peu, avec de la salive ou de l'eau.
CONSEILS pour devenir riche.
Tout l'avantage de l'argent est dans l'usage qu'on en fait.
Pour six livres sterling par an, vous pouvez avoir l'usage de cent livres, pourvu que vous soyez un homme d'une prudence et d'une honnêteté reconnues.
Celui qui dépense inutilement huit sous par jour, dépense inutilement plus de six livres sterling par an, ce qui est l'intérêt auquel on vous prête cent livres.
Celui qui gaspille la valeur de huit sous de son temps par jour, l'un dans l'autre, perd le privilège d'avoir tous les jours cent livres à sa disposition.
Celui qui perd par négligence une valeur de temps de cinq shillings, perd cinq shillings et ferait tout aussi sagement de jeter cinq shillings à la mer.
Celui qui perd cinq shillings, non seulement perd cette somme, mais tout le profit qu'il en pourrait tirer dans le commerce, ce qui, dans l'espace de temps qui s'écoule entre la jeunesse et la vieillesse pourrait monter à une somme considérable.
En outre, celui qui vend à crédit demande pour l'objet qu'il vend un prix équivalent au principal et à l'intérêt de son argent pour le temps qu'il ne fera pas valoir ; c'est pourquoi celui qui achète à crédit paye l'intérêt de ce qu'il achète, tandis que celui qui paye comptant pourrait économiser et placer cet argent ; ainsi celui qui possède une chose qu'il a achetée paye un intérêt pour l'usage qu'il en fait.
Toutefois en achetant il est mieux de payer comptant, parce que celui qui vend à crédit s'attend à perdre cinq pour cent par les mauvais payeurs ; c'est pourquoi il charge le prix de tout ce qu'il vend à crédit afin de prévenir une perte probable.
Ceux qui achètent à crédit subissent cette augmentation de prix.
Celui qui paye comptant échappe ou peut échapper à cette augmentation de prix.
Un sou économisé en vaut deux.
Une épingle économisée chaque jour, c'est huit sous de gagnés par an.
Averti, garanti.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
XI Janvier compte xxxi jours.
Dieu offrit aux Juifs le salut,
Et la moitié d'entre eux opposa un refus
De même (car c'est pour la vie et sa préservation),
Nombreux rejettent les inoculations.
Les hommes d'église drapés dans leurs robes
Nous disent que le Diable a inoculé Job
À supposer que cela soit bien vrai
Dites-moi, voisin, Job n'a-t-il pas bien fait ?
Le plus grand des monarques sur le plus fier des trônes, s'assied comme tout le monde sur son postérieur.
Le plus glorieux chef-d'œuvre de l'homme est de trouve un but à sa vie.
Celui qui vole le souper du vieil homme ne lui fait nul tort.
XII Février comte xxvii jours.
L'enfant thrace vient à la vie
Et ses deux parents pleurent pour lui
L'enfant thrace pris par la mort,
Ses parents dans la joie portent son corps
Ce que Rome et la Grèce voient d'un air moqueur
C'est ce que les Thraces ignorent.
Mais si vous considériez ce que vous méprisez
Cette ignorance thrace aux sages en apprendrait.
Un homme entre deux avocats est comme un poisson entre deux chats.
L'homme qui peut prendre du repos est plus grand que celui qui peut prendre des cités.
Le fromage de l'avare ne gâte point sa santé.
I Mars compte xxxi jours.
Doris est veuve depuis bien longtemps
Son mari parti, ses soucis ont doublé
Ses chagrins, aggravés avec le temps,
Devraient s'alléger mais ne font qu'augmenter
Ces troubles que ses espoirs tiennent éloignés
Son impatience elle ne peut étouffer
Comment pourrait-elle prendre du repos ?
Son époux parti, elle n'en aura point de nouveau.
L'amour et la seigneurie n'ont point de compagnon.
La meilleure façon d'atteindre la gloire est de faire pour l'esprit ce que l'on fait pour la gloire.
Certains payent des fortunes pour être humiliés sans même s'en rendre compte :
Voyez le beau cheval de A, la belle demeure de B
II Avril compte xxx jours.
Une nymphe et son soupirant Apollon priaient
L'amoureux avait été éconduit, la nymphe trompée
Ils demandèrent à l'oracle, savoir s'il existait
Une nymphe chaste ou un amoureux dévoué.
Apollon resta muet, comme s'il ne savait pas
Et avec le temps, la question s'éluda
Car on peut n'avoir point trompé faute d'occasions
Ou demeurer chaste par manque d'attention.
L'homme qui garde son calme est plus sage que celui qui garde la plume.
Le pauvre Dick mange comme un homme en bonne santé et boit comme un malade.
Après des coups et des pertes, les hommes deviennent plus sages et plus humbles.
L'amour, la toux ou la fumée sont difficiles à masquer.
III Mai compte xxxi jours.
Le riche Gripe fait ce que lui dicte son esprit
Son âme il vendrait pour être encore plus riche
Le pauvre diable élabore des plans
Pour avoir cette fortune qu'il veut tellement
Son destin serait-il vraiment une aubaine
Si Gripe avait son humour et l'autre son domaine ?
Mélangez bonne fortune et destin joyeux,
Ces deux choses font un homme heureux.
Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.
Ne choisissez ni étoffe, ni femme à la lumière d'une bougie.
Celui qui voyage à pied ménage sa monture.
Il n'y a pas d'amour laid, ni de belle prison.
Il n'y a pas meilleure relation qu'un ami prudent et fidèle.
IV Juin compte xxx jours.
Prenez un bol de porcelaine,
Remplissez-le d'eau claire et pure
Décantez avec une liqueur jamaïcaine
Une cuillère d'argent sans rayure,
Du sucre deux fois raffiné,
Couteau, passoire et verre prenez
Ainsi que des fruits frais et parfumés
Pour être gais jusqu'à dix heures passées.
Un voyageur doit avoir le nez d'un porc, les jambes d'un cerf et le dos d'un âne.
La faim regarde à la porte de l'homme laborieux, mais elle n'ose pas entrer.
Bon avocat, mauvais voisin.

Impudent Jack, qui vit de ses combines,
De menus emprunts et d'arrangements,
M'emprunta l'autre jour vingt shillings,
(Et je n'attendais aucun remboursement)
Il voulait un papier, pour établir ses dettes
Son ami, qui vivait bien, le refusa tout net
Le papier étant rare, il était peu aisé
D'or sonnant et de bon papier se séparer.
Sur certains mensonges ces trois s'accordent
Le prêtre, l'avocat et la Mort
La Mort prend les forts et les faibles
L'avocat prend aux riches et aux pauvres
Et le prêtre traite avec les vivants et les morts.
La roue voilée du chariot fait le plus de bruit.
VI Août compte xxxi jours.
Pauvre Lubin gît sur son lit de mort
Près de lui sa femme pleure son sort
Avec force éclats et cris larmoyants
Les deux s'expriment leur attachement.
D'après le pasteur Sly, pour un effet,
Plusieurs causes avérées peuvent exister :
Le pauvre Lubin craint de mourir
Et sa femme craint qu'il ne survive.
N'ayez point de secrets pour votre médecin ou votre avocat. Je n'ai jamais vu un arbre qu'on change souvent de place, ni une famille qui déménage souvent, prospérer autant que d'autres qui sont stables.
XVII Septembre compte xxx jours.
Je me repentirai demain, dites-vous toujours
Dans quelle contrée se trouve ce lendemain ?
Avant qu'il n'arrive passeront les jours
Se trouve-t-il dans les tropiques lointains,
Ce lendemain que je crains inaccessible ?
Je me repentirai demain, dit le nuisible
Aujourd'hui ce n'est pas mon affaire
Car le sage s'en est chargé hier.
Que la poste attende la lettre et non la lettre la poste.
Trois bons repas par jour est signe de mauvaise vie.
Il vaut mieux laisser un ennemi mort que de supplier un ami de son vivant.
XVIII Octobre compte xxxi jours.
De T. T. qui détruisit le bois de son propriétaire.
Indulgente Nature qui prodigue à tous
L'instinct de discerner ses ennemis
L'oie évite le renard, la brebis le loup
Le marin à la barre contourne les récifs ;
Le brigand fuit les galères sans hésiter
Et l'ours le chasseur lourdement armé.
On n'est jamais mieux servi que par soi-même.
À courir plusieurs lièvres on risque de n'en prendre aucun.
Pour prendre bonne épouse, choisissez-la une samedi.
Si vous avez le temps, faites-en bon usage.
IX Novembre compte xxx jours.
Vous prétendez de l'Europe faire le tour
Avec cinq cents livres, une belle somme
Pour gagner en sagesse, devenir un homme
Et aussi le clamer au grand jour
Sensible au jugement des autres
Ne découvrez pas le vôtre
Doublez sagement la dîme
Et voyagez en anonyme.
Dites à un avare qu'il est riche et à une femme qu'elle est pauvre et vous n'aurez ni l'or de l'un, ni l'affection de l'autre.
N'appelez pas le médecin pour chaque désagrément, ni l'avocat pour chaque querelle, ni la chope pour chaque soif.
X Décembre compte xxxi jours.
Les femmes sont des livres, les hommes leurs lecteurs
À l'occasion, ils y décèlent une erreur,
Mais sont souvent ravis des mots alignés,
D'une belle impression, d'un bon papier
Certains, parfois, oublient de lire
Négligent et leur femme et la Bible.
Si les femmes étaient livres, la mienne serait
Un almanach, pour en changer chaque année.
Les créanciers sont une secte superstitieuse, grands observateurs des jours et des mois.
La plus noble question du monde est celle-ci : Quel bien puis-je faire ici ?
Nec sibi, sed toto, genitum se credere mundo.
Rien n'est plus populaire que la bonté.
Dans ma dernière publication, j'ai exposé certaines prophéties énigmatiques, sans me douter que je serais pris au sérieux par certains. Voici les explications promises :
1. L'eau des mers et des rivières est transformée en vapeur par le soleil. Ainsi se forment les nuages dans les airs, dont l'eau redescend sur terre sous forme de pluie. Quand l'orage gronde au-dessus de nous (ce qui arrive souvent quand le vent vient du N-E), soyez assuré que les contrées qui se trouvent en-dessous de nous ont déjà les pieds dans l'eau.
2. La puissance avec laquelle nous ne sommes pas en guerre mais qui, à ce qu'on disait, emporterait nombre de navires dans nos ports avant la fin de l'année est le VENT, dont les forces ne peuvent être aperçues, qu'elles aillent ou qu'elles viennent.
3. L'armée qui devait poser le pied en Virginie, au Maryland et dans les contés du sud du Delaware, n'était pas constituée de mousquetaires, fusil à l'épaule, mais de quasi-homophones, que l'on nomme moustiques, armés de leur petit dard. Ils se croient poissons avant de voler, étant nés sous l'eau, aussi, il n'est pas faux de dire qu'ils doivent d'abord poser le pied avant d'être une nuisance.
UNE MERVEILLEUSE PROPHÉTIE.
Pour janvier 1737, uniquement constituée de nombres impairs.
Dans cette année très impaire, un mois se détache.
Quelles merveilles, lecteur, nous réservera le monde ?
Quatre rois aux forces puissantes envahiront Albion,
Et y porteront la guerre et le chaos pour un temps.
Puis certains trouveront quelque trésor inattendu,
Et le cœur de nombreux chrétiens sera pris par la peur,
En entendant le son des trompettes
Les os des morts en seront renversés
Dans chaque cité et dans chaque village.
Almanach du Bonhomme Richard - 1738

Chers lecteurs,
Mon homme est parti la semaine dernière pour le Potowmack afin de rendre visite à un observateur céleste de sa connaissance et chercher un petit endroit où nous nous installerons pour finir nos jours. Il a laissé un paquet contenant son almanach en me parlant de le déposer chez l'imprimeur. Je soupçonnais quelque tour de sa part, aussi, dès son départ, l'ai-je ouvert afin de voir s'il ne s'était pas, comme à son habitude, quelque peu moqué de moi. Comme je m'en doutais, c'était bien le cas. Et pour être franche (puisque j'imagine que personne d'autre de prendra la parole à ma place), il énonce dès sa préface que sa femme Bridget est ceci, et cela et que sais-je encore... Miséricorde... Non seulement je ne peux me permettre d'avoir un ou deux défauts, mais encore faut-il que tout le pays puisse les lire ! Il avait déjà clamé que j'étais orgueilleuse, bruyante, que j'avais acheté de nouveaux jupons alors que j'en possédais déjà en abondance, et voilà maintenant, diantre ! que le monde entier doive apprendre que l'épouse du pauvre Dick s'est récemment piquée de boire de temps à autre un peu de thé. Une affaire d'une telle importance qu'il était impossible de la passer sous silence... Il est vrai que l'imprimeur m'a fait cadeau d'un peu de thé l'an passé ; qu'aurais-je dû faire, le jeter ? Pour résumer, j'ai trouvé que sa préface ne méritait pas d'être imprimée, alors je l'ai déchirée et je pense que votre almanach ne s'en portera pas plus mal.
En parcourant les différents mois, je m'aperçois qu'il a indiqué du bien mauvais temps pour cette année, aussi ai-je glissé ici et là, où j'ai pu trouver de la place, quelques instants doux, agréables, ensoleillés &c afin que nous autres femmes ayons l'occasion de faire sécher le linge. Si mes espoirs ne se réalisent pas, au moins aurai-je fait preuve de bonne volonté, et advienne que pourra.
J'avais formé le dessein d'apporter d'autres menues corrections, en particulier à quelques vers qui ne plaisent guère, mais j'ai hélas cassé mes lunettes, ce qui me contraint à vous livrer l'ouvrage tel quel et à conclure.
Affectueusement, votre amie,
BRIDGET SAUNDERS.
SOUS LES ÉCLIPSES APPARAÎT CECI :
Vous me pardonnerez, chers lecteurs, de vous priver de cette année d'éclipses de lune. En vérité, je trouve qu'elles ne vous font aucun bien.
Lorsqu'il s'en produit, vous vous exposez, afin de les observer, trop longtemps à l'air nocturne et un grand nombre d'entre vous prend froid. Ce fut le cas l'an dernier, à ma grande préoccupation. Néanmoins, si vous me promettez de faire davantage de cas de votre santé, vous aurez l'occasion d'en voir une magnifique d'ici deux ans.
XI Mois. Janvier compte xxxi jours
Sa femme étant malade, Dick appela les docteurs,
Qui s'opposèrent sur les soins à l'élue de son cœur.
L'un prescrivit une purge. Un autre répliqua :
"Cela ne fera nul bien à la femme qui est là.
Il lui faut une saignée." Le premier répondit :
"C'est la mort à coup sûr." Puis parla le mari :
"Je ne sais pas grand-chose", dit Richard, "mais pourtant,
C'est pour la saignée que j'ai un fort penchant."
Les amis fidèles sont au nombre de trois : une épouse âgée, un vieux chien et une bourse pleine.
On peu couper les oreilles à ceux qui parlent beaucoup, ils ne s'en servent pas.
Si tu veux que tes chaussures te durent, n'y mets pas de clous.
Qui t'a plus souvent trompé que toi-même ?
XII Mois. Février compte xxviii jours
Dans la Chrétienté, nous sommes aujourd'hui tous chrétiens,
Et je réponds, si vous me demandez d'où cela vient :
C'est simple : à Sa loi nous n'obéissons pas,
nous la méprisons du berceau au trépas,
Nous l'adaptons sans cesse à notre existence,
tout en lui prétendant jurer obéissance.
Mais pour notre salut, c'est autant d'imprudence
que de se prétendre sujet du roi de France.
Y a-t-il un sujet pour lequel les hommes déploient autant d'efforts que celui de faire leur propre malheur ?
Rien ne fait autant souffrir que trop de plaisir, rien ne crée autant de liens que trop de liberté (ou de libertinage).
Lis beaucoup, mais un nombre de livres restreint.
I Mois. Mars compte xxxi jours
La femme de Jack est née dans le Wiltshire, a grandi dans le Cumberland, a passé une bonne partie de sa vie dans le Bedfordshire, a expédié son mari dans le Huntingtonshire pour l'envoyer dans le Buckinghamshire. Mais il a pris courage dans le Hartfordshire et l'a amenée dans le Staffordshire, sinon il aurait pu vivre et mourir à Shrewsbury.
À celui qui veut emprunter pour peu de temps, prête-lui avec Pâques pour terme.
Écris pour les lettrés, parle pour les incultes.
Abuse des plaisirs et ils te poursuivront.
Fais comme l'écureuil et prévois pour l'hiver.
II Mois. Avril compte xxx jours
C'est avec Adam que tout a commencé,
Nul autre que Whiston n'en saurait douter,
Et son fils, et le fils de son fils à son tour
Furent laboureurs, rustauds et troubadours.
Mais la seule différence entre eux
est que certains moururent tôt, d'autres vieux.
Certains quittent la charrue le matin,
D'autres quand le jour s'éteint.
César ne méritait pas davantage le char du triomphe que celui qui se conquiert lui-même.
Tu as de la vertu ? Alors, acquiers aussi les grâces et beautés de la vertu.
Si tu achètes ce dont tu n'as pas besoin, tu devras bientôt vendre le nécessaire.
Si tu possèdes intelligence et capacité d'apprendre, ajoutes-y sagesse et modestie.
III Mois. Mai compte xxxi jours
Une pensée frugale.
Un acre de terre compte 43 560 pieds carrés.
Cent acres représentent 4 356 000 pieds carrés.
Vingt livres permettent d'acheter cent acres.
Ces vingt livres font 4 800 pence ; divisés par le
Nombre de pieds des cent acres on découvre
Qu'un penny permet d'acheter 907 pieds carrés, soit
le carré de 30 pieds de côté. Ne gaspille pas tes pence.
Tu peux être plus heureux qu'un prince si tu es plus vertueux que lui.
Si tu ne veux pas qu'on t'oublie à ta mort, écris des choses dignes d'être lues ou fais des choses dignes d'être écrites.
Ne vends pas la vertu pour acquérir la richesse, ni la liberté pour acquérir le pouvoir.
IV Mois. Juin compte xxx jours
Épitaphe à une vieille fille bavarde.
Sous cette pierre tombale repose,
Une reine éternelle de la glose,
Qui, du berceau à son dernier soupir,
Ne cessa de dire et médire.
Où est-elle maintenant, ce point n'est pas clair :
Car si elle ne peut parler, elle est en enfer !
Et si elle est au Ciel, elle fait pénitence
Car jamais elle n'a pu supporter le silence.
Fais en sorte que tes vices disparaissent avant toi.
Avant de te marier, ouvre de grands yeux ; après le mariage, ferme-les.
Les anciens nous enseignent ce qu'il y a de mieux. Mais nous devons apprendre des modernes ce qui est le plus adapté.

Un mois juriste, mais le suivant sera
un docte médecin, et le troisième un prêtre :
Choisis sans tarder un métier parmi les trois,
Épouse-le mais courtise les autres.
Résous-toi sans délibérer ;
Franchis le pas sans tergiverser.
En aucun cas tu ne peux te tromper
Mais tu n'obtiendras rien si tu veux tout embrasser.
Si je ne peux régir ma propre langue entre mes dents,
comment espérer gouverner celle des autres ?
Il vaut mieux abréger les petites charges que se briser l'échine pour de maigres grains.
Si une minute te manque, ne gaspille pas une heure.
VI Mois. Août compte xxxi jours
Bien plus rapide que son cerveau petit,
La main de Philo n'importe quoi écrit,
Son cas me rappelle celui de l'homme pressé
qui se laissa entraîner par ses pieds.
Phébus, refrène de Phil l'entrain,
Avive son esprit ou ralentit sa main ;
Qu'on éloigne de lui encre, plume et papier ;
Afin qu'il cesse d'écrire et apprenne à penser.
Si tu fais ce que tu ne dois pas, tu devras entendre ce qui ne te plaît pas.
Ne reporte pas les bonnes actions ; ne sois pas comme Saint Georges, toujours à cheval mais jamais en mouvement.
Cherche moins à vivre longtemps qu'à vivre bien.
VII Mois. Septembre compte xxx jours
Ces lignes peuvent être lues dans les deux sens.
Joie, rire, triomphe m'ont quittés ;
Détruis-moi, Mort, j'ai trépassé :
Le chagrin m'étreint, l'amour est parti.
Le mépris m'assaille, l'espoir est meurtri,
L'allégresse bannie, le malheur m'étouffe,
Alors, joie, rire, triomphe, adieu à tous.
Si chaque mot compte, alors chaque silence aussi doit compter.
Je n'ai jamais vu la Pierre Philosophale qui transmute le plomb en or, mais je sais que sa quête peut transformer l'or d'un homme en plomb.
N'invite jamais un serviteur à loger chez toi.
VIII Mois. Octobre compte xxxi jours
Un sens douteux :
On traite mal la gente féminine :
C'est bien le cas : le contraire ; –
Nul homme ne trouve : Faire mal veulent-ils
Mais partout : charité firent-ils :
À personne : mais malveillants ;
En parole ou en acte : crois-moi.
Le temps est une herbe qui guérit tous les maux.
La lecture comble l'homme – La méditation l'approfondit – Le discours l'éclaircit.
Si quelqu'un me flatte, je le flatterai aussi, même s'il est mon meilleur ami.
IX Mois. Novembre compte xxx jours
Un monstre par le vice vieilli,
Laisse à son héritier son or mal acquis ;
Payé, le prêtre vante ses qualités
Qui demeureront dans le marbre gravées.
Si l'on se fie au sermon ou à la pierre,
On regrettera qu'il ait quitté cette terre.
Mais si l'on regarde la vie qu'il a menée,
On regrette que cet homme un jour soit jamais né.
Souhaiter longue vie à un miséreux, c'est le maudire.
Seul l'honnête homme sait avouer une faute ou reconnaître son erreur.
Mène tes affaires mais ne les laisse pas te mener.
La différence est grande entre s'inspirer d'un homme honnête et l'imiter.
X Mois. Décembre compte xxxi jours
Le sage dit qu'il est du devoir du sage
De garder sa langue en son cœur comme en cage.
Mais si sa cervelle égarée nie
que Dieu existe, ce serait folie
De laisser sa langue clamer
que Dieu ne saurait exister.
Et que peuvent être, sinon de pauvres fous,br>les rois de l'inconstance ? Ma foi, nous.
Souris aux fautes vénielles et te rappelant tes plus graves.
Mange pour te faire plaisir, habille-toi pour plaire aux autres.
Cherche les vertus chez les autres et les vices chez toi.
Ne gaspille ni le vin du prêtre, ni le pain du boulanger.
S'il élimine chaque année un de ses vices,
le temps peut bonifier le pire des hommes.
Almanach du Bonhomme Richard - 1756

On dit que chaque année vous dépensez au moins deux cent mille livres sterling en articles d'Europe, de l'Inde et des Antilles. Supposons que la moitié de ces dépenses se fasse en choses absolument nécessaires, on peut dire que l'autre moitié sont des superfluités ou tout au plus des commodités ; vous pourriez vous en passer pendant une petite année et ne pas souffrir excessivement. Maintenant, pour économiser cette moitié, suivez ces quelques indications.
I. Quand vous avez envie d'acheter un nouvel habit, examinez d'abord l'ancien, voyez si vous ne le feriez pas encore aller un an en le dégraissant, en le raccommodant, et même en lui faisant mettre une pièce au besoin. Souvenez-vous qu'une pièce à votre habit et de l'argent dans votre poche valent mieux et donnent plus de crédit qu'une assignation sur votre dos et pas d'argent pour l'en ôter.
II. Quand vous avez envie d'acheter de la porcelaine, de la mousseline ou de la soie des Indes, ou quelqu'autre de ces produits légers et élégants, je n'aurai pas la cruauté d'insister pour que vous y renonciez absolument, tout ce que je vous conseille, c'est d'ajourner à l'année prochaine comme vous faites pour votre repentir, et à certains égards, ceci vous évitera une occasion de repentir.
III. Si vous buvez maintenant du punch, du vin ou du thé deux fois par jour, l'année prochaine n'en buvez qu'une fois par jour. Si vous n'en buvez qu'une fois par jour, n'en buvez que tous les deux jours. Si vous n'en buvez maintenant qu'une fois par semaine, n'en buvez que tous les quinze jours. Si vous n'augmentez pas la quantité et si vous diminuez les occasions, vous économiserez la moitié de votre dépense sur ces articles.
IV. Quand vous avez envie de boire du rhum, mettez moitié d'eau dans le verre.
C'est ainsi qu'à la fin de l'année il y aura cent mille livres sterling de plus dans le pays.
Si on pouvait faire une aussi grande émission de papier-monnaie, personne n'en aurait sans donner quelque chose en échange, mais, par le moyen que j'indique, tout ce qu'on économise, on l'aura pour rien et le pays en sera d'autant plus riche. On payera honnêtement au marchand les vieilles dettes douteuses, et si le commerce n'est plus aussi étendu, il sera plus sûr.
Journaux
Le massacre de King Street.
Sans nul doute, nos lecteurs ont connaissance des événements qui se sont déroulés lundi dernier au soir. Un peloton de soldats s'était formé devant l'hôtel des douanes et tira dans la foule, tuant quatre personnes et en blessant de nombreuses autres. Nos lecteurs attendent un récit détaillé de cette tragédie, mais j'espère qu'ils excuseront notre prudence excessive quant au traitement de cette information, la ville ayant annoncé son intention d'ouvrir une enquête. Cependant, certains faits semblent établis.
Après une altercation des jeunes de la ville et l'unique garde posté devant l'hôtel des douanes, un nombre croissant de citoyens se rassembla ici et se mit à haranguer le garde. De même, une large foule se rassembla dans King Street. Le capitaine Thomas Preston, percevant la détresse de ses soldats, quitta le corps de garde principal à la tête d'un groupe d'hommes, baïonnette au fusil. Le groupe arriva, poussa, criant de faire place. Ils se placèrent ensuite devant l'hôtel des douanes et continuèrent à repousser les gens, en plantant certains dans diverses parties de leur corps, prétendant avoir été agressés par des lancers de boules de neige ou de morceaux de glace. La foule raillait les soldats, les défiant de tirer "Tirez, tirez, vous n'oserez pas !". Sur ce, les boules de neige continuant de pleuvoir, quelqu'un cria "Feu, bon sang !" et un soldat tira. Un citoyen armé d'un gourdin le frappa aux mains avec une telle force qu'il en fit tomber son arme et il chargea ensuite sur le capitaine en tentant de le frapper à la tête. Le coup frôla la tête de l'officier et l'atteint au bras. Les soldats continuèrent de faire feu jusqu'à ce que sept ou huit armes furent déchargées.
Après cette manœuvre fatale, trois hommes gisaient morts et deux autres s'accrochaient à la vie. Mais là où les soldats britanniques furent d'une cruauté inouïe, jamais vue depuis qu'ils servaient la Maison des Hanovre, c'est qu'ils tentaient d'embrocher ou de tirer sur les citoyens qui tentaient d'évacuer les morts et les blessés !
Les morts sont :
M. Samuel Gray, tué sur le coup. La balle l'a atteint à la tête et a arraché une grand partie de son crâne.
Un mulâtre nommé Crispus Attucks, tué sur le coup. Il fut atteint par deux balles à la poitrine. L'une a perforé son poumon droit et une grande partie du foie, de la plus horrible des façons.
M. James Caldwell, second sur le navire du capitaine Morton, tué de deux balles dans le dos.
M. Samuel Maverick, un jeune prometteur de 17 ans, fils de la veuve Maverick, et apprenti de M. Greenwood, ivoirier. Une balle entra dans son ventre pour ressortir par le dos. Il mourut le lendemain matin.
M. Patrick Carr, la trentaine, qui travaillait avec M. Field, tanneur à Queen Street, blessé. Une balle l'atteint à la hanche et ressortit par le flanc. Appréhendé, il décédera.
Et plusieurs autres nécessitant des actes de chirurgie, souffrant de pertes de sang, d'os brisés et de balles logées dans leur corps.
Le gouverneur Hutchinson s'employa à apaiser la ville. Il ordonna l'arrestation dudit capitaine Preston et des soldats impliqué, le temps qu'une enquête puisse faire la lumière sur ces tristes événements.
Des coffres de thé détruits. Un événement des plus curieux et des plus rares s'est produit le jeudi 16 décembre à Griffin's Wharf, dans le port de Boston.
Une foule d'individus habillés de peaux de cerf et dont les visages étaient peints à la manière des peuples indigènes s'est réunie sur le quai. Les individus sont ensuite montés, dans l'ordre et le calme, à bord des navires Dartmouth, Eleanor et Beaver. Ces Indiens - ou peut-être qu'ils ne l'étaient pas, comme l'ont affirmé certains témoins de la scène - étaient armés de hachettes qu'ils nommaient "tomahawks".
Les navires abordés contenaient dans leurs cales des chargements de thé, environ trois à quatre cents coffres. Les commandants des navires avaient publiquement déclaré que si les rebelles, comme les Bostoniens aimaient à se qualifier, ne permettaient pas aux cargaisons d'être déchargées avant le lendemain, le déchargement se ferait par la force, sous la menace des canons.
Une fois à bord, les Indiens présumés ouvrirent les écoutilles, se saisirent des coffres, les fendirent à coups de tomahawks (afin que l'eau achève leur destruction) et les passèrent par-dessus bord. En environ trois heures, ils avaient jeté à la mer l'ensemble des coffres de thé des navires. Pendant les heures où les coffres étaient jetés à l'eau, certains habitants de Boston et des environs tentèrent de récupérer un peu de leur contenu pour leur usage familial. Pour ce faire, ils attendaient l'opportunité d'en ramasser une poignée sur le pont, où le thé était répandu en abondance, avant de le fourrer dans leurs poches. Ces mêmes grappilleurs recevaient parfois des coups de pieds des Indiens présumés.
Un peu plus tôt dans la journée s'était tenue une assemblée de citoyens du comté de Suffolk, à la Old South Church de Boston. Le but de cette réunion était de décider des mesures à prendre pour empêcher le déchargement du thé ou les gens de s'emparer du chargement. Après avoir envoyé plusieurs requêtes au gouverneur Hutchinson, aucune réponse satisfaisante n'ayant été obtenue. M. Adams conclut la réunion par cette phrase "cette réunion ne peut rien faire de plus pour sauver le pays".
À part la perte de la cargaison de thé, les navires n'ont subi aucun dégât. Ceux qui ont détruit les coffres ont été aperçus en train de nettoyer les ponts des navires des feuilles de thé qui y étaient répandues.
La levée de la milice.
Les événements récents, aussi tumultueux et frappants puissent-ils être, n'auraient pas eu d'issue favorable sans les efforts de quelques cavaliers qui avertirent les viles et permirent le rassemblement des Minutemen.
Ces cavaliers, parmi lesquels M. Paul Revere et M. William Dawes, furent envoyés par le Dr. Joseph Warren. Il avait été averti, par des sources gardées secrètes, de l'arrivée d'un régiment de soldats royaux qui avançait sur Lexington pour y appréhender les chefs des Sons of Liberty qui y passaient la nuit. Ce régiment devait ensuite se diriger vers Concord pour se saisir d'un arsenal caché, y compris à la ferme de Barrett.
Le Dr. Warren ne pouvant risquer ce que message n'atteigne pas les viles concernées, prit la décision d'envoyer l'alerte par différentes routes en même temps. Tout d'abord, M. Dawes quitta Boston par le Boston Neck, franchit le barrage de soldats par la ruse et continua vers Roxbury par un itinéraire tortueux. Peu de temps après, M. Revere demanda au capitaine Pulling d'allumer les lanternes au clocher de Old North Church, pour signaler à Charlestown que l'armée royale arrivait. Revere lui-même risqua sa vie en ramant près du HMS Somerset pour parvenir à Charlestown en personne et, de là, prendre la direction de Lexington. Revere modifia son itinéraire pour éviter les patrouilles sur sa route. Les deux cavaliers atteignirent par chance Lexington et purent avertir Samuel Adams et John Hancock de l'arrivée des tuniques rouges. Rejoints par Samuel Prescott, Revere et Dawes poursuivirent leur chemin. Dawes perdit sont cheval et revint à Lexington à pied. Prescott fit effectuer un bond audacieux par-dessus un mur à son cheval et fonça vers Concord pour avertir les Minutemen. Revere fut capturé par la patrouille et sa vie fut menacée. Il ne retrouva la liberté que lorsque les soldats entendirent des coups de feu en provenance des collines de Concord et foncèrent rejoindre le combat.
Mais l'aventure de M. Revere n'était pas terminée. À son retour à Lexington, il fut établi de trouver John Hancock transformé en officier, se préparant à affronter les soldats qui approchaient. Revere persuada M. Hancock que sa place n'était pas sur le champ de bataille. M. Hancock et M. Adams se retirèrent donc en lieu sûr, tout en oubliant un coffre plein de documents du Congrès, qui ne devait surtout pas être découvert par les soldats. M. Revere s'en retourna donc prendre possession de ces documents avant que les soldats n'arrivent à Lexington.
L'armée affronte la milice. Des coups de feu échangés.
Américains ! N'oubliez jamais la BATAILLE de LEXINGTON, où les troupes britanniques, sans avoir été elles-mêmes provoquées ni agressées, ont ouvert le feu de la plus cruelle façon sur nos compatriotes, faisant plusieurs victimes. Ces événements, à ce que l'on sait, se sont déroulés ainsi : alertés par des messagers qu'un régiment de tuniques rouges arrivait par Menotomy pour détruire des arsenaux secrets à Concord et dans ses environs, les milices locales (venues également de Sudbury, Acton, Lincoln et Bedford) se rassemblèrent. La première force rencontra l'armée royale dans les champs de Lexington, à 10 km de Concord. La milice commandée par le capitaine John Parker, dont le nombre se montait à quelque dizaines d'hommes, resta en position, alors qu'une brigade commandée par le major Pitcairn formait une colonne qui arrivait par la route de Concord. Les récits de ce qui suivit demeurent peu clairs. Les miliciens jurent n'avoir jamais tiré et pourtant, les tuniques rouges auraient ouvert le feu, tuant huit des leurs et en blessant davantage. Le capitaine Parker et ses hommes battirent en retraite, laissant la colonne de soldats assassins continuer sa progression vers Concord.
Dans la ville de Concord, se trouvait un autre détachement de la milice, sous le commandement du colonel James Barrett. Ce dernier, voyant que les Britanniques étaient en nombre bien supérieur, jugea plus prudent de battre en retraite en traversant le pont nord. Au sommet d'une colline, Barrett observa les tuniques rouges chercher les munitions cachées et constata avec satisfaction l'arrivée de miliciens en renfort. Peu de temps après, Barrett se rendit compte que ses forces surpassaient celles du petit détachement de Britanniques qui protégeait le pont nord et marcha sur elles. Certains soldats britanniques commencèrent alors à arracher des planches du pont pour ralentir l'arrivée des Minutemen, mais ils furent rappelés par leurs supérieurs. Des salves de tirs furent échangées, causant des morts de chaque côté, et le peloton de l'armée royale finit par abandonner sa position. Le gros de la troupe britannique, qui terminait sa vaine fouille, commença à se diriger vers Boston, mais rencontra la milice. Cette dernière attaquait en formation, tout en opérant des manœuvres pour prendre les tuniques rouges de flanc. Cette force royale aurait certainement été entièrement détruite si le brigadier-général Percy n'était pas arrivé avec des renforts pour les escorter sous une pluie de plomb vers Charlestown.
Ainsi, des tirs ont été échangés entre nos cousins d'outre-Atlantique et nous-mêmes. Le Rubicon a été franchi. Américains ! – La liberté ou la mort ! – Rejoignez le combat ou périssez !
Le Second Congrès Continental
À la lumière des événements sanglants survenus dans le Massachusetts, un second Congrès réunissant les représentants des 13 colonies s'est assemblé dans la cité de Philadelphie. Le Congrès tentera d'ordonner la situation militaire, en accord avec toutes les colonies. Il tentera de parler d'une seule voix pour toutes les colonies lors des pourparlers avec la couronne britannique. Le Second Congrès sera présidé par John Hancock de Boston, Peyton Randolph n'étant pas en bonne santé et ne pouvant assumer la charge de sa fonction.
Dans les mois qui ont suivi les glorieuses batailles de Lexingon et Concord, les efforts militaires ont été ad-hoc. De nombreuses milices ont chassé les responsables britanniques et se sont emparé de réserves de munitions. La première décision de cette auguste assemblée fut de créer, à partir des différentes milices des colonies, une armée continentale et de nommer un général pour la commander. George Washington, de Virginie, qui prouva sa valeur dans la guerre contre les Français, s'est vu confier ce rôle et sera secondé par Artemas Ward, Charles Lee, Philip Schuyler et Israel Putnam. Le Congrès s'est également intéressé aux intérêts marchands des treize colonies : tous les ports américains contestent maintenant les odieux Navigation Acts.
Malgré la création de l'armée continentale, le Congrès s'attend à ce que la rupture entre les colonies et la Couronne se règle de la meilleure façon possible, pour le bien de tous. Dans ce but, le Congrès a approuvé la Pétition du Rameau d'Olivier, envoyée à la Couronne britannique en guise de geste de réconciliation.
Bataille sanglante à Charlestown !
La milice coloniale attaque les forces de la Couronne à Breed's Hill. De nombreux morts et blessés graves.
Sachant depuis quelque temps que les forces royalistes avaient l'intention de prendre position sur les hauteurs dominant Charlestown, le général Artemas Ward engagea un millier d'hommes de la milice. Agissant avec bravoure, le général Israel Putnam et le colonel William Prescott redoublèrent d'efforts toute la nuit pour ériger une redoute courant sur la largeur de Breed's Hill, jusqu'à la rivière Mystic en contrebas. Au petit matin, la vue de cette défense surprit les tuniques rouges.
La milice coloniale poursuivit la construction de parapets, malgré les bombardements des navires mouillés dans la baie de Boston. Vers l'après-midi, quelques deux mille hommes - fusiliers, infanterie légère et troupes régulières - avaient débarqué sur les berges de Charlestown et se lançaient à l'assaut des défenses des Patriotes. Les tireurs d'élite de la milice infligèrent de lourdes pertes à l'ennemi et le général Howe répondit de la plus vile façon, en faisant tirer des obus incendiaires sur les habitations de Charlestown, mettant le feu à la ville, tandis que les habitants fuyaient vers les champs.
La brave milice, bien que manquant de rhum et de munitions, tint bon et attendit que les lignes ennemies s'approchent avant de déclencher une salve dévastatrice pour les rangs royaux. Les Britanniques battirent en retraite, mais revinrent pour un second assaut. Et à nouveau, les volontaires de Nouvelle-Angleterre décimèrent leurs rangs. Depuis l'autre côté de la rivière Charles, les citoyens de Boston assistaient à la bataille depuis le toit de leurs maisons.
Pour le troisième assaut, les tuniques rouges parvinrent à progresser sur les pentes de Breed's Hill. Hélas, les munitions des miliciens manquaient cruellement et ces derniers se replièrent en désordre, laissant Breed's Hill et Bunker Hill aux troupes du roi.
Mais le terrain avait été chèrement conquis par le général Howe. Il avait perdu un millier d'hommes, morts ou blessés, tandis que les pertes parmi les miliciens s'élevaient à quatre cents hommes.
Le feu ravage Manhattan. Trinity Church détruite. On soupçonne les rebelles.
Le 21 de ce mois, un grand incendie a fait rage dans New York. Le feu a pris près de Whitehall slip dans des circonstances fortuites, vraisemblablement dans la taverne des Coqs de Combat. Un vent de sud-ouest propagea rapidement les flammes vers le nord à travers les rues, chassant de nombreux habitants. Ces citoyens prirent quelques biens avant de fuir vers les terrains communaux, avant que le vent ne tourne et ne dévaste tout entre Broadway et le fleuve Hudson. Les cendres brûlantes furent transportées par le vent vers les rues et les bâtiments éloignés. Le toit de Trinity Church s'embrasa et l'église brûla en quelques minutes.
Avec peu de pompiers restant en ville, les soldats royaux tentèrent d'éteindre les brasiers, mais leurs efforts furent largement sans effet et l'incendie fit rage tout au long de la nuit. Par chance, St. Paul's Chapel fut sauvée par des volontaires munis de seaux d'eau qui se relayaient pour arroser son toit.
Près de cinq cents maisons et bâtiments ont été détruits.
On ne connaît pas l'identité de ceux responsables du feu, mais tout le monde sait que les rebelles auraient grand intérêt à mettre en difficulté les soldats du roi, qui se sont récemment emparés de la cité et la tiennent si vaillamment. Une enquête a été ordonnée par le général Howe.
La Liberté ! Le Congrès a déclaré à l'unanimité l'indépendance des Colonies Unies !
Hier, les représentants des treize colonies ont déclaré l'indépendance de leurs citoyens, rompant formellement tout lien avec la Couronne britannique. Cette déclaration d'Indépendance – ainsi a-t-elle été nommée – a été rédigée par une assemblée d'auteurs, principalement Thomas Jefferson, John Adams et Benjamin Franklin. Elle exprime de façon tout à fait éloquente les événements et la logique qui ont conduit à la rupture finale.
Le Second Congrès Constitutionnel avait commencé à travailler sur ces documents depuis des mois. Certains, parmi les représentants, avaient bon espoir de réconcilier les colonies avec la Couronne, et d'obtenir certains droits. Mais cet espoir diminuait avec chaque régiment envoyé sur ce continent. Au final, tous votèrent à l'unanimité la séparation d'avec notre mère-patrie.
John Adams déclara que ce jour devait être officialisé en grande pompe par des parades, des jeux, des activités sportives, des coups de feu, des sons de cloches et autres feux d'artifice, d'un bout à l'autre du continent, aujourd'hui et à jamais.
L'armée continentale souffre de privations.
Installée à quelques 30 km de Philadelphie, l'armée du général Washington lutte contre un hiver féroce. Après la défaite de Branywine, l'armée continentale a connu l'humiliation quand le Congrès dut fuir Philadelphie devant l'avancée des troupes royales. Les tuniques rouges entrèrent donc dans notre capitale et l'occupèrent. Peu de temps après, nos malheurs augmentèrent avec la misérable défaite de Germantown.
Le général Washington et son armée ont pris leurs quartiers à Valley Forge, au sud de la rivière Shuykill où les monts Joy et Misery facilitent la défense. Cependant, les Patriotes doivent lutter contre la faim et le froid. Le général a donc ordonné la construction de cabanes de rondins et promis douze dollars pour le groupe qui, dans chaque régiment, terminerait sa cabane en premier, tout en respectant des exigence de qualité.
Mais sous plusieurs centimètres de neige, les soldats ont bien du mal à achever leur tâche. Le manque de nourriture et de vêtements a favorisé l'apparition de la maladie. Nombreux sont ceux à succomber à la dysenterie et au typhus. Des centaines de morts sur les onze mille hommes de l'armée. Seule leur loyauté intacte à la cause de la Révolution et au général Washington leur a permis de survivre.
L'arrivée du conseiller militaire Frederick von Steuben, venu pour entraîner les hommes aux manœuvres et au combat en formation, ainsi que le nombre considérable de femmes et d'enfants à avoir rejoint le camp et qui cherchent nourriture et bois, ont fortement remonté le moral du général Washington.
Bataille rangée au tribunal de Monmouth ! L'armée continentale poursuit les troupes royales.
Le 28 juin, l'armée britannique commandée par le général Henry Clinton, qui avait quitté Philadelphie pour rejoindre les forces royales de New York, a été poursuivie et attaquée par George Washington et ses onze mille hommes.
La colonne britannique était ralentie par ses chariots de provisions, son artillerie et des citoyens britanniques de Boston. Le général Washington vit là l'opportunité d'attaquer une formation maladroite et quitta Valley Forge dans ce but. L'armée continentale rattrapa les Britanniques aux environs de Monmouth. Washington, désireux de perturber la colonne tout en donnant le temps au reste de son armée d'arriver, donna le commandement de son avant-garde au général Charles Lee. Ce dernier avait pour ordre d'attaque la colonne pour la couper en deux. D'après les informations dont dispose notre journal, Lee n'était pas d'accord avec le plan et refusa tout d'abord le commandement. Lorsqu'il accepta, il semblerait que ses officiers n'aient pas reçu d'instructions adaptées. Ils se lancèrent donc, bon gré mal gré, dans une série d'escarmouches sans discipline avec l'arrière-garde britannique. Sentant le désarroi de ses troupes, Lee ordonna une retraite générale et fut poursuivi par les tuniques rouges.
Les hommes de Lee battirent en retraite en toute confusion, pour rencontrer la colonne du général Washington qui s'avançait. Il est dit que le général lança des imprécations particulièrement fortes, envoya Lee à l'arrière-garde et se chargea lui-même de rallier les hommes de ce dernier. L'armée continentale engagea donc les forces de Clinton avec toute leur puissance, les hommes du général Lee étant confiés au commandement du marquis de Lafayette. Les forces américaines, combattant avec ordre et discipline grâce aux efforts du baron von Steuben, se montrèrent des adversaires redoutables pour les tuniques rouges. Au coucher du soleil, les Américains tenaient le terrain, malgré la volonté du général Washington de poursuivre le combat. Les ténèbres sauvèrent les Britanniques de pertes supplémentaires !
Au moment où nous écrivons ces lignes, le général Charles Lee se trouve devant une cour martiale à Englishtown. Il sera très certainement relevé de son commandement.
Comme les lecteurs de ce journal ont pu l'apprendre, une flotte française commandée par l'amiral de Grasse a récemment quitté les Caraïbes pour faire blocus aux forces britanniques à Yorktown, commandées par le général Cornwallis. Mercredi dernier, le 5 septembre, une flotte britannique alignant quelque 19 vaisseaux de ligne arriva. La flotte française, forte de plus de vingt vaisseaux, fonça toutes voiles dehors pour attaquer les Britanniques.
L'auteur a pu observer les deux flottes s'affronter au loin. Il était évident que les Français avaient du mal à maintenir leur ordre de bataille. Leur centre était à la traîne à l'arrière, ce qui fournissait aux Britanniques une excellente occasion de les attaquer et de rompre leurs rangs. Mais l'amiral Graves, qui commandait les forces britanniques n'en fit rien. Un gentilhomme utilisa une longue-vue et s'exclama que les vaisseaux anglais laissaient les Français resserrer les rangs et adopter une formation convenable. Nous fûmes tous émerveillés par ce geste. Puis, l'arrière-garde britannique fut ralentie à son tour et ne combattit pas ce jour-là.
Les deux flottes firent voile vers l'est, en ligne l'une face à l'autre. Avec l'avantage du vent, les Français pouvaient ouvrir toutes leurs écoutilles et faire feu avec tous leurs canons. Les Britanniques, en revanche, ne pouvaient ouvrir les écoutilles des ponts inférieurs, qui auraient été submergés par les vagues. Leurs canons de 32 livres ne purent donc entrer en action.
Les Britanniques subissaient les plus grosses pertes, mais l'issue de la bataille demeurait incertaine. Là encore, les Français avaient l'avantage, puisque cette situation leur permettait de maintenir leur blocus. Ce matin, les forces françaises ont reçu le soutien de l'amiral de Barras et de sept vaisseaux de ligne supplémentaires. Les derniers rapports suggèrent que l'amiral Graves aurait pris la direction de New York.
Le blocus est donc maintenu et les forces d'infanterie et d'artillerie, commandées par les généraux Washington et Rochambeau s'apprêtent à assiéger Cornwallis.
Victoire éclatante ! George Washington surprend une force hessienne à Trenton.
Des centaines de prisonniers.
Dans une attaque audacieuse, le général George Washington est parvenu à effacer des mois de revers et a obtenu une nette victoire. Malgré des conditions difficiles, le général est parvenu à rassembler plusieurs milliers d'hommes et franchir le fleuve Delaware encombré par des blocs de banquise. En fait, une grande partie de sa troupe fut incapable de franchir la rivière, laissant à ce bon général moins de la moitié de ces forces pour poursuivre son raid. Malgré tout, l'armée continentale progressa dans la neige et l'eau en direction de la garnison hessienne stationnée dans la ville de Trenton. Nombreux étaient les soldats sans bottes. Ces derniers durent donc nouer des chiffons autour de leurs pieds pour avancer dans le froid, laissant derrière eux des traînées de sang comme preuve de leur détermination.
À Trenton, les Américains prirent par surprise une force hessienne de 1 500 hommes ensommeillés.
Le gros des forces américaines, commandé par le général Washington, entra dans Trenton par le nord-est. Washington envoya le général Sullivan faire le tour de la ville pour l'attaquer par le sud et positionna d'autres forces au nord-est pour interdire toute retraite aux Hessiens. Ces derniers tentèrent former une ligne dans la ville, mais ils subissaient le feu de l'artillerie du capitaine Alexander Hamilton, pendant que leur avant et leur arrière étaient attaqués par Washington et Sullivan. Les soldats américains se joignirent aux habitants dans les maisons pour faire feu depuis les fenêtres sur les soldats hessiens. Pendant le combat, le commandant de la garnison, le colonel Rall fut grièvement blessé. Ses troupes se replièrent vers un champ de pommiers et se rendirent peu de temps après. Près de neuf cent Hessiens furent faits prisonniers.
Pendant la bataille, le lieutenant James Monroe fut blessé. Sa vie n'est toutefois pas en danger.
Quelques jours avant cette expédition, le pamphlet de Paine, la Crise, fut lu à voix haute à ces mêmes hommes. M. Paine commence ainsi : "Cette époque met l'âme des hommes à rude épreuve" et il remarque que "plus ardu le conflit, plus glorieuse la victoire".
Le colonel Rall succomba à ses blessures avant la fin du combat. Dans ses poches, on trouva un message qui lui signalait l'arrivée des Américains. Un avertissement qu'il ignora avec de graves conséquences.
Benedict Arnold - Loyal envers la Couronne !
Prenant ses collègues rebelles par surprise, le général Benedict Arnold a fait une brave tentative pour mettre un terme à des hostilités continues. Après avoir obtenu le commandement du fort de West Point, le général rencontra secrètement le major John André, des services de renseignements du roi. Il est difficile de connaître la nature de l'accord sur lequel ils s'entendirent, mais il semble qu'ils se soient mis d'accord sur un transfert de fonds au bénéfice d'Arnold, en échange du fort de West Point lui-même. Ce qui fait dire à certains qu'Arnold n'était intéressé que par l'argent et pourtant, un homme d'une telle valeur peut difficilement être soupçonné d'une telle chose ! Il semblerait plutôt qu'Arnold ait anticipé la perte financière dont il souffrirait une fois abandonnées ses fonctions d'officier rebelle et ait simplement pris des mesures pour protéger son couple et son niveau de vie.
Il semblerait que Peggy, la femme du général Arnold, ait joué un rôle actif dans son retournement loyaliste. Plusieurs rapports affirment que c'est elle qui aurait contacté le major André, dont elle serait une proche depuis des années.
Malheureusement pour la Couronne, le plan échoua. Après avoir rencontré Arnold, le major André, habilement déguisé en citoyen sous le pseudonyme de John Anderson, fut capturé par les rebelles. Ils trouvèrent sur lui plusieurs papiers qui menèrent à son arrestation. Comme il était déguisé en civil lors de sa capture, cet homme qui avait pris tant de risques pour son roi, fut pendu comme espion. Puisse-t-il reposer en paix.
Heureusement, Arnold fut prévenu à temps et put s'échapper. Il semblerait qu'on lui ait attribué un poste dans l'armée britannique. Nous espérons avoir bientôt des nouvelles de ses exploits !
Histoires d'explorateurs
BOONE: Deux de nos aventuriers les plus ambitieux sont partis il y a plusieurs semaines et ne sont toujours pas revenus. Découvrez ce qui leur est arrivé.
CONNOR: Je suis tombé sur un campement appartenant aux deux aventuriers. Un triste spectacle, et j'ai pensé à l'œuvre de bandits ou de soldats. Mais dès que j'ai fouillé les lieux, j'ai compris ce qui leur était arrivé.
Une dispute a éclaté entre eux. L'un d'eux a sorti un couteau et poignardé l'autre, puis il est reparti chez lui. Mais il a eu ce qu'il méritait quand il s'est fait rattraper et dévorer par un loup. Désolé de vous apporter une aussi sombre nouvelle.
BOONE: Il se tient debout, comme un homme, mais tout son corps est recouvert d'une épaisse fourrure. Il a une démarche lente et chaloupée, je l'ai vu de mes yeux. Il est malin et reste à distance ou se cache derrière des obstacles, comme s'il savait où j'allais Des choses disparaissent là où il passe, toutes sortes de babioles. Il a pris les bois de cerf dont un homme avait orné sa cabane. Il sort les prises des pièges avec ses grandes mains. Il faudrait que quelqu'un le trouve et ramène sa tête, pour que tous puissent le voir.
CONNOR: J'ai trouvé la bête couverte de fourrure dont Boone parlait. Ce qu'on dit sur son intelligence et ses chapardages est vrai, mais ce n'est pas un monstre. Ce n'est qu'un homme. Un homme qui a choisi la solitude. En revanche, j'ignore où il habite. Quant aux objets disparus, je ne peux qu'inciter à plus de prudence.
BOONE: Je ne suis pas un grand navigateur, mais je sais qu'il existe. Certains l'appellent kraken, d'autres simplement le monstre des mers. On dit qu'il fait bien cinquante pieds de long et fait chavirer les bateaux pour s'amuser. Personne ne me fera chasser cette bête-là, mais c'est une énigme qui mérite d'être résolue.
CONNOR: Des gens de Boston disent avoir vu le monstre. Les détails des récits varient, mais tous parlent d'une chose longue et noire qui n'apparaissait qu'en présence d'un vieillard. En vérité, la créature était le vieillard lui-même. Il se déplaçait sous l'eau avec un appareil qui lui permettait de respirer. La machine avait l'apparence d'un monstre, mais tous peuvent reprendre la mer sans crainte.
BOONE: J'étais dans la cambrousse depuis six semaines. Le gibier était rare et mon estomac grondait, alors je suis revenu sur la côte pour prendre des crabes ou des homards. Et c'est là que je l'ai vu. Un phare censé être abandonné depuis des années, mais des feux y brûlaient. Et puis il y a eu ce bruit. Un gémissement dans le vent. Mon cœur m'est remonté si haut dans la gorge que j'en ai senti le goût. Je suis reparti et je ne suis jamais revenu près du phare. Je parie qu'il est hanté par des esprits. Je défie quiconque d'y mettre les pieds.
CONNOR: Je suis allé au phare et je l'ai trouvé abandonné. Parmi les déchets laissés par les précédents occupants, je n'ai trouvé qu'un épouvantail. Il n'y a pas d'esprits là-haut. Rien dont il faudrait avoir peur.
BOONE: La première fois que j'ai vu la lumière, c'était à Boston. Je vendais ma plus belle prise de la saison quand le feu s'est élevé derrière Beacon Hill. Il est monté dans le ciel nocturne, plus haut que la lune, et il a disparu. Je n'étais pas seul, les gens à côté de moi ont ouvert la bouche et levé la tête à s'en tordre le cou. Je ne sais pas ce que c'est, mais je sais que ce n'était pas de notre monde.
CONNOR: Tout Boston parle de cette image dans le ciel. Cependant, mon enquête a révélé que la source de l'image provenait bien de la Terre. Rien de plus qu'un parapluie couvert reflétant la lumière de la lune dans les arbres, couplé à l'imagination et aux rumeurs.
BOONE: Je ne l'ai jamais vu moi-même, mais on en parle jusque dans le Kentucky. Un mercenaire allemand, un hessien, comme on les appelle, s'est fait arracher la tête par un boulet de canon lors d'un bataille. Tout son bataillon a été vaincu et mis en déroute. Mais lui, il n'est pas mort et depuis, il erre dans la nature, à cheval, à la recherche de sa tête. IL poursuit les innocents quand il en voit, prenant leur caboche pour la sienne. En attendant de la retrouver, il porte une citrouille sur les épaules. Je ne l'ai jamais vu en personne, mais j'ai bien vu les cadavres qu'il laisse, décapités et grotesques. Dieu ait leur âme.
CONNOR: J'ai vu le Cavalier sans tête. Les histoires sur ce voleur de têtes sont vraies, mais ce n'était qu'un homme.